Né à Saint-Brieuc, Pierrick Le Roux est professeur de cuisine au Lycée Fénelon à Brest. Depuis plusieurs années, il communique sa passion pour les algues à ses élèves mais aussi aux particuliers en leur apprenant à les identifier et à les préparer lors d’ateliers découvertes & dégustations. Il est également l’auteur de nombreux livres et DVD sur la cuisine aux algues. Bref, c’est un pro !
Comment est né votre intérêt pour les algues ?
Dans les années 80, j’étais cuisinier à l’Hôtel Nikko à Paris. J’avais un responsable japonais qui les cuisinait pour sa consommation personnelle, à l’heure de la pause-repas. A l’époque, il avait du mal à s’en procurer à Paris. Ses parents, depuis le Japon, lui envoyaient des algues par colis, surtout du nori et du wakamé. Nous sommes devenus amis et il m’a fait découvrir leurs saveurs, la façon de les cuisiner et de les apprécier.
Et vous êtes devenu amateur…
Amateur et curieux. De retour en Bretagne quelques années plus tard, je me suis intéressé à ce végétal marin qui est partout présent sur nos côtes mais n’entre pas pour autant dans notre alimentation. Avec près de 70 000 tonnes exploitées chaque année, la Bretagne est en effet la première région européenne de production des algues marines. Les bretons ont beau avoir un extraordinaire « garde-manger » sous leurs pieds, ils n’en sont pas très friands. Surtout les anciens qui utilisent traditionnellement les algues comme engrais. Pour eux, manger des algues, c’est manger du goémon ou varech, un fertilisant ! Par ailleurs, pendant la Guerre, on les utilisait comme gélifiant pour les gâteaux. Dans l’esprit populaire, elles restent associées à des additifs plus qu’à des aliments à part entière.
D’où l’importance de la pédagogie ?
Oui. Tandis que je me lançais dans des recherches passionnées sur les algues, leurs bienfaits, leurs saveurs, j’ai eu le chance de rencontrer des scientifiques de renom, le professeur Claude Chassé, Océanographe-biologiste et Algologue expert et le professeur René Delepine, qui a consacré 36 années de recherche aux algues des Kerguelen. A leurs côtés, j’ai approfondi mes connaissances sur les différentes espèces puis j’ai commencé à créer quelques recettes. Contrairement aux champignons, aucune n’est mauvaise à la consommation et ne provoque des risques d’intoxication alimentaire. Mais il en existe certaines meilleures que d’autres comme l’algue nori, très parfumée, le wakamé, la plus simple à utiliser, la dulse, la laminaire sacharine excellente pour confectionner les papillotes de poissons et celle que j’aime beaucoup, la laurancia, une algue poivrée qui hélas n’est pas commercialisée.
Vos recettes ont eu du succès ?
Disons que j’ai piqué la curiosité à mon tour ! Lors de manifestations (salons, festivals), je présentais des recettes de cuisine à base d’algues. Comme le public me les réclamait pour pouvoir les refaire plus tard, je les imprimais sur des photocopies. Et très vite, à la demande générale, j’ai écrit mon premier livre "Cuisine et algues de Bretagne" publié en 1991 aux éditions Coop Breizh. Dix ans après, en 2001, j’en ai édité un autre, "Connaître et cuisiner les algues bretonnes" avec une partie plus importante sur l’identification des espèces, les meilleures saisons pour les ramasser. Cet ouvrage a eu un beau succès, avec plus de 10 000 exemplaires vendus !
C’est bon signe ! Pensez-vous que les algues entreront un jour dans l’alimentation des français ?
D’après une étude de l’INRA, les algues seront dans le panier de la ménagère vers 2015. C’est donc un produit d’avenir ! Comme souvent, il faudra sans doute un effet de mode pour que sa consommation sorte de la confidentialité (ou de la témérité). Si un chef de cuisine renommé, par exemple, les utilise dans ses recettes, il y aura un "effet photocopieur" comme dit Bocuse : tout le monde s’y mettra !
Et vous alors ? Vous êtes le précurseur, celui qui a réalisé un DVD joliment baptisé "Kit de survie par les algues alimentaires".
C’est un film de 25 minutes qui comprend 8 minutes sur l’estran, la découverte des espèces, des conseils d’utilisation. Chaque algue est filmée séparément pour bien la mémoriser. Une vidéo qui apprend les bases aux novices. Ensuite, j’en ai réalisé d’autres autour de la cuisine avec pleins de recettes filmées : sushis bretons, mignon de porc pays d’Iroise, huîtres chaudes au nori, Tome aux algues sans oublier ma spécialité : la choucroute de la mer aux algues.
Rassurez nos lecteurs… C’est difficile de cuisiner des algues ?
Le plus compliqué est de les récolter : il faut que cela tombe un jour de printemps, où le coefficient de marée basse est au moins à 80 et de préférence un dimanche (mais non, je blague !) La cuisine est très simple : les algues cuisent toutes entières avec la préparation pour libérer leurs saveurs, leurs minéraux et vitamines. Il est également possible de cuire les algues comme un légume et de les incorporer à une préparation : salades, potages, omelettes. En général, un petit cours d’initiation pratique suffit pour avoir envie de cuisiner à l’infini le végétal.
Tous les dimanches, Pierrick Le Roux organise pour le public des ateliers Découvertes. Les participants apprennent à identifier et à récolter les algues puis lors d’un atelier cuisine, à préparer des recettes. S’ensuit un repas arrosé de bonne humeur et d’un petit Muscadet.
Le rendez-vous a lieu au Musée de Goémoniers et de l’Algue, à Plouguerneau.
Infos : www.cuisineauxalgues.com
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